Affres et douleurs de la virtualisation, Broadcom vient de plonger l’écosystème IT dans des abîmes de perplexité. Et l’entièreté des acteurs et des pouvoirs publics de se demander s’il existe un concurrent pour relever le gant et atténuer les effets d’un comportement dans lequel certains voient déjà un abus de position dominante. Comme toute entreprise exploitant les technologies de virtualisation, Stordata s’est penché sur le problème.
Faut-il quitter VMware maintenant ?
La virtualisation et les technologies qui la permettent concernent un nombre gigantesque d’entreprises, dont Stordata. Nous, comme vous, avons suivi la saga Broadcom et sa volonté d’acheter le florissant VMware. C’est chose faite et les conséquences ne se sont pas fait attendre.
Vous êtes évidemment de plus en plus nombreux à nous questionner sur le sujet, ce que nous en savons, ce que nous en comprenons et surtout vous nous interrogez sur l’éventuelle stratégie à mettre en œuvre dans certains cas. Parmi vous, les avis sont partagés, on le serait à moins. Entre résignation, étude patiente du marché et revirement technologique immédiat, les comportements varient en fonction du degré de tolérance à l’instabilité contractuelle et d’intégration (parfois trop forte) de VMware dans le système d’information.
La virtualisation est une technologie fondamentalement structurante. Sans nul doute le changement d’éditeur entraînera d’importantes complications, et retrouver un même niveau de fonctionnalités sera le premier vrai enjeu de cette recherche. Disons-le, il n’existe pas d’équivalence complète à VMware sur le marché mais il demeure possible de se tourner vers des solutions de moindre envergure taillées pour des besoins raisonnables.
Le chemin n’aura pas été parcouru pour autant. D’une part la solution de remplacement doit être intégrée dans un processus industriel et être supportée, ceci correctement, par des partenaires (ce qui élimine d’emblée les choix exotiques). D’autre part, le projet de migration doit être mis en œuvre en association avec la formation des équipes à la nouvelle solution, induisant un coût (très élevé, c’est évident) à chiffrer absolument avant tout autre chose.
La démarche de migration est donc loin d’être aisée et nous constatons un statu quo fort compréhensible, en particulier chez toutes les grandes entreprises dont la production, bien que désormais plus coûteuse, tourne correctement.
Notre conseil : si l’informatique est centrale dans votre entreprise, alors la maturité sur le sujet est de mise. Prenez le temps d’étudier le marché et faites le dos rond pendant encore quelque temps. Une réaction épidermique aux nouvelles conditions imposées ne jouera pas en votre faveur, d’autant que l’UE a annoncé en avril dernier ouvrir une enquête à propos du mode de licensing.
Des conséquences directes, pour Stordata également
Les nouvelles conditions imposées aux organisations sont légion, à commencer par le changement du mode de calcul des prix, désormais basé sur le nombre de cœurs (cores) et non plus de CPU et de mémoire. Ce choix n’a pas de justification technique, en revanche les processeurs modernes intègrent sans doute de plus en plus de cœurs. VMware by Broadcom comptabilisera 16 cœurs minimum par CPU, même si il y en a moins, ce qui contribue mécaniquement à la hausse du coût des licences. L’abandon des licences perpétuelles au profit de la souscription et la consolidation des licences autour de 4 packages (vSphere Essentials Plus, vSphere Standard, vSphere Foundation et VMware Cloud Foundation) ne favorisent pas non plus l’apaisement. Broadcom n’est évidemment pas le seul grand acteur à légitimer la hausse de ses tarifs par l’ajout de fonctionnalités superflues mais, pour les entreprises, la difficulté viendra à la négociation compte tenu du caractère monopolistique de l’éditeur.
À l’heure où nous écrivons cet article, il demeure complexe d’accéder à de l’information certifiée, alors même que Stordata a obtenu l’autorisation de procéder à la revente des licences VMware. Les outils de cotation ne sont pas encore tous disponibles et nos distributeurs ne sont pas en mesure de fournir de propositions tarifaires valides dans le temps. C’est dire l’imbroglio contractuel dans lequel ce rachat a plongé l’ensemble de l’écosystème constitué autour de VMware. Nous devrions y voir plus clair incessamment sous peu.
Côté MSP (Managed service provider), la situation fut d’autant plus préoccupante que l’ensemble des contrats ont été suspendus sans solution de remplacement immédiate. La sélection en cours de grands partenaires par Broadcom (dont l’activité porte sur 3 500 ou 7 000 cœurs) devrait éclaircir relativement vite le champ, en offrant la possibilité d’être rattaché à l’un ou l’autre de ces partenaires qui délivrera la licence et le support technique et se chargera de la facturation des ressources consommées.
Mais alors qui ? Quelques candidats se distinguent, avec lesquels Stordata souhaiterait travailler, sachant que nous évoluons dans une sphère concurrentielle à laquelle nous prêtons évidemment une grande attention.
Nous aboutirons très prochainement à la sélection de notre nouveau partenaire. Cette nouvelle organisation reste transparente pour tous nos clients sous VMware ayant souscrit à un plan de reprise d’activité dans le cloud ou une offre d’IaaS au sens large.
Sortir malgré tout de l’enfermement propriétaire ?
Le vendor lock-in est la bête noire des entreprises, dont on a cru pouvoir s’affranchir définitivement avec l’avènement du multicloud et des clauses de réversibilité. Force est d’admettre que la concentration technologique favorise encore et toujours le piège et tenter de l’éviter ressemble à un jeu de dupe.
L’axe Software Defined Datacenter de VMware est un exemple patent de la méthode : virtualisation des serveurs, du réseau, du stockage, etc., un tout-en-un dont il devient très difficile de s’extraire in fine.
Quels que soient l’organisation, le secteur, le marché, l’essentiel est de maintenir l’activité, et de tout mettre en œuvre afin que le service ne s’interrompe jamais. The show must go on en quelque sorte. Nous le savons d’autant plus que nous apportons quotidiennement notre expertise en matière de backup as a service et de continuité d’activité informatique.
Pour autant, comme tout un chacun relativement échaudé par les pratiques commerciales nord-atlantiques, nous explorons les opportunités. En tant que MSP, la conversion des activités VMware sur un autre hyperviseur peut représenter une option (KVM, Microsoft Hyper-V, ProxMox, etc.), que nous étudierons dans un second temps, à tête reposée. Équivalence et transparence étant les maîtres mots de cet éventuel pivot technologique.
D’une façon générale, des pistes se présentent à toutes les organisations désireuses de limiter les nouveaux coûts de la virtualisation. Nutanix par exemple n’a pas fait le choix de VMware en construisant sont indépendance sur base d’Open Source, et peut, dès lors, présenter de sérieux atouts pour les nouveaux entrants dans la virtualisation si l’on accepte l’hyperconvergence. Cela dit, il n’est pas impossible, à terme, que Nutanix baisse sa garde et accepte l’exploitation de ressources externes, ouvrant une brèche à d’autres constructeurs, ce qui lui permettrait en outre d’accéder à d’importants nouveaux marchés. Nous poussons en ce sens, à notre échelle, au bénéfice de nos clients équipés de solutions de stockage du marché. L’effort de migration vers Nutanix AHV, dès lors, pourrait tout à fait se justifier.
Se passer de virtualisation ?
Voilà une question qui fera sourire. La virtualisation a été un indéniable frein au gaspillage de ressources. Se priver de virtualisation serait comme revenir à l’ancien monde où chaque machine virtuelle était un serveur physique, consommant de l’énergie sans jamais être occupé à 100 % de son temps. Une absurdité écologique et économique.
Mais il y a toutefois quelques leçons à tirer de tout ça. Puisque l’imprévisible semble toujours certain, travailler à son indépendance technologique est peut-être l’un des plus grands enjeux d’une IT aujourd’hui. L’informatique modulaire, capable de se déplacer autant que de besoin, représente une vraie garantie de résilience et de maîtrise, quelle que soit son infrastructure. Maîtriser son informatique passera notamment par des applications hybridables (Cloud Native) à volonté, qui ne dépendront plus d’un seul hyperscaler ni de ressources uniquement on premise. Après tout, « l’évènement VMware » remettra peut-être sur la table la question sans cesse repoussée de la conteneurisation et des microservices, quitte à faire coexister les deux technologies.